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Pourquoi reconquérir les rues ?

Parce que c’est là que se joue, sans qu’on en soit toujours conscient, une grande partie de la qualité de la vie dans une ville ou un village. Il y a des rues où l’on se sent bien, des rues vivantes - sans forcément être commerçantes - où l’on se dit qu’on aimerait bien habiter et élever nos enfants. Et puis il y a des rues qui, à l’inverse, nous semblent mornes, stériles, désertes, et qui malheureusement sont devenues plutôt la norme dans notre pays. Pourquoi ?

Est-ce inéluctable ? Dans ce livre, fruit de ses 30 années d’expérience d’architecte et d’urbaniste, Nicolas Soulier nous montre que c’est, certes, une histoire de voitures, auxquelles on accorde souvent une place disproportionnée, mais pas uniquement. Il nous montre que c’est avant tout une histoire de vie « spontanée », de cadre qui permet à cette vie spontanée de s’exprimer ; que cela tient souvent à des détails, des petites modifications qui, quand elles sont accumulées, peuvent avoir de grands effets.

En France, la situation paraît souvent bloquée, stérilisée, et nombreux sont ceux qui pensent que si le progrès a détruit les rues, il faut s’y résoudre sans nostalgie. Après avoir effectué un état des lieux de nos blocages franco-français, Nicolas Soulier nous montre que cette situation n’est pas inéluctable et que de nombreux exemples de « reconquête des rues » fleurissent à travers le monde. De ces situations exemplaires, prises en Allemagne, en Hollande, en Suisse, au Danemark, en Angleterre, au Canada, aux USA et au Japon, l’auteur tire des conclusions pratiques et propose des pistes d’action pour « reconquérir nos rues ».


Antoine Isambert  (Les Éditions Ulmer)



INTRODUCTION

Quand nous sortons de chez nous, si les bébés dans les poussettes sont au ras des pneus et des pots d’échappement, si les enfants ne peuvent pas aller tout seul dans la rue ou à l’école, si nous passons beaucoup de temps dans des déplacements fatigants, si les personnes âgées ou désœuvrées ne savent où se mettre, si les services et commerces de proximité disparaissent, on peut s’interroger sur notre habitat.

Dès lors que l’on considère les rues comme de simples voies de circulation, où l’on donne presque toute la place aux voitures pour rouler ou pour stationner, alors dehors, dans la rue, nous sommes chez elles, pas chez nous. Mais ce n’est pas qu’une question de voitures. C’est aussi une question de riverains. Pour être vivante, une rue résidentielle a besoin d’être habitée, et non simplement parcourue. Si nous tolérons que la rue devant chez nous ne soit qu’un tuyau pour circuler c’est que nous oublions que c’est un espace qui fait partie de notre habitat. Quand nos habitations se referment sur elles-mêmes et que nous tournons le dos à la rue, nous n’avons plus d’échange avec elle. La rue se retrouve morne. Les riverains la désertent. L’habitat reste figé.

J’ai été conduit à ce constat un peu sombre dans le cadre de ma pratique d’urbaniste et d’architecte, sur la base d’expériences que j’expose dans la première partie de ce livre. On pourrait en venir à penser que cette situation caractérisée par le dépérissement des rues est inévitable, et qu’il vaut mieux se résigner sans vaine nostalgie au fait que la plupart des rues banales de quartiers résidentiels sans commerces ni équipements soient moroses.

Mais d’autres expériences, en particulier à l’étranger, nous montrent que des rues résidentielles peuvent être vivantes et donner envie d’y habiter. Elles montrent que la situation peut être différente, notamment quand les habitants contribuent à la vie de leur rue et à sa prise en charge. La rue s’en trouve métamorphosée. Je développe quelques uns de ces exemples inspirants, et je propose ensuite un parcours dans un choix de rues en Europe, en Amérique du Nord et au Japon, en étant attentif aussi bien aux succès qu’aux échecs qui s’y manifestent.

Ces exemples nous montrent qu’il ne faut pas se décourager, et que notre habitat pourrait être beaucoup plus agréable à vivre. Nous pourrions reconquérir nos rues, sans devoir tout démolir ni tout reconstruire. Il faudrait pour cela que nous, les riverains de la rue, ne soyons plus amenés à lui tourner le dos et à nous enfermer derrière des écrans, des murs et des portes pleines. Si nous nous tournions vers la rue, nous pourrions engager des processus très différents, et considérer que la rue, c’est aussi notre affaire.

Il est difficile d’influer sur les vastes opérations d’urbanismes. Mais on peut agir concrètement au quotidien devant chez nous, à notre porte : c’est à notre échelle et dans le domaine du possible. Nous les habitants, nous pourrions améliorer les rues dans lesquelles nous habitons, et, pour une part essentielle, nous sommes les seuls à pouvoir le faire. Cela exige que nous trouvions collectivement le moyen de cesser de stériliser nos rues et de bloquer les initiatives.

Ce livre est un essai pour contribuer à cette prise de conscience. Je l’ai écrit en me fondant sur mes expériences d’architecte, d’urbaniste, et d’enseignant, et à l’issue de nombreux voyages ou séjours d’étude. Ce n’est ni un manuel, ni un livre théorique scientifique : plus un compte-rendu d’enquête, un carnet de notes de praticien, une tentative pour donner à voir et fournir des éléments de compréhension, et pour proposer quelques outils et quelques notions à ceux qui s’interrogent, qui se demandent comment débattre et agir, contourner des blocages, et trouver de bons angles d’attaque pour reconquérir nos rues.



TABLE DES MATIÈRES Introduction DES PROCESSUS DE STÉRILISATION Stérilisation réglementaire - réduit à l'inaction Le cadre réglementaire - quelques exemples13 Les enfants - les « endroits prévus à cet effet »24 Un processus de stérilisation28 Stérilisation routière - expérience d'urbanisme à Nîmes Le boulevard périphérique33 Démarche analytique multicritères36 Vingt ans après43 Stérilisation résidentielle - deux expériences d'urbanisme en banlieue parisienne Un grand ensemble situé à Aulnay-sous-Bois50 Un grand ensemble situé à Viry-Châtillon60 DES PROCESSUS FERTILES Le double partage de la rue - exemple à Brême Le partage modal de la rue74 Le partage frontal de la rue78 Les deuxièmes chantiers - exemples à Fribourg La spontanéité86 La notion de « deuxième chantier »94 C'est formidable mais ça ne serait pas possible chez nous Un nouveau style de planification, de décision et de travail social101 La vie de la rue - l'importance des " frontages " Une interface : les espaces-privés-de-bord-de-rue122 Les frontages125 À Brême et Fribourg : des frontages actifs128 Aulnay-sous-Bois, Viry-Châtillon, Nîmes : des frontages stérilisés134 La dynamique du choix modal136 ACTIONS DANS LES FRONTAGES - un panorama Frontages actifs - quelques exemples En Hollande144 Autres exemples en Europe du Nord148 À Montréal149 Aux Etats-Unis152 Frontages et pots de fleurs158 Les jardins de pots dans les frontages au Japon160 Frontages que l'on stérilise Frontage-parking167 Frontage-poubelle177 Frontage-rideau178 Frontage-tampon180 Frontage condamné182 Stérilisation des frontages : attention à l'effet domino !183 Frontages que l'on protège Un exemple : Leipzig186 Frontages que l'on réactive Actions dans les frontages publics192 L'urbanisme tactique196 Actions des riverains dans les frontages publics199 Vous, le propriétaire riverain, vous pouvez changer les choses206 Actions dans les frontages privés209 PISTES D'ACTION - quelques éléments Rééquilibrer le partage modal de la rue Impératif n°1 : 30 km/h231 Impératif n°2 : passer du Code de la route au Code de la rue236 Impératif n°3 : faire usage du vélo en ville238 Impératif n°4 : limiter l'espace occupé par les voitures247 Impératif n°5 : partager la rue, ce n'est pas la diviser251 Impératif n°6/n°1 : des frontages actifs pour une ville marchable253 Rééquilibrer le partage frontal de la rue Où tracer la ligne de frontage ?256 Frontage, architecture riveraine, et deuxièmes chantiers262 Quelle part les riverains prennent-ils en charge ?268 La part des plantes273 Bilan278 ÉPILOGUE : l'importance des rues280 Remerciements284 Crédits photographiques285
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